Palladius Rutilius Taurus Aemilianus - L'économie rurale


Auteur : Palladius Rutilius Taurus Aemilianus
Ouvrage : L'économie rurale
Année : 1843 (traduction)

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Avant-propos. I. LA première règle de goût est de proportionner ses leçons à la nature des esprits. Voulez-vous former un agriculteur, ne recourez pas, comme quelques-uns l'ont fait, aux fleurs de rhétorique et aux artifices oratoires. A quoi leur a servi d'étaler leur science devant des villageois ? ils n'ont même pas été compris des savants. Mais, pour ne pas imiter ceux que nous critiquons, bornons ici notre préambule. Nous allons traiter, avec l'aide des dieux, de tout ce qui concerne l'agriculture, des pâturages, des édifices rustiques, conformément aux préceptes de l'art, de la manière de découvrir l'eau, et en général de tout ce qu'un agriculteur doit faire ou entretenir dans chaque saison pour son avantage comme pour son agrément. Afin de suivre un ordre méthodique, je parlerai, mois par mois, de l'ensemble de l'économie rurale. Des quatre choses nécessaires à l'agriculture. II. Le choix et la culture d'un terrain exigent quatre choses : l'air, l'eau, la terre et le travail. Les trois premières dépendent de la nature ; l'autre, de nos moyens et de notre volonté:. Dans le choix du terrain que vous destinez à la culture, examinez avant tout si l'air est pur et doux, si l'eau est saine et abondante, qu'elle prenne sa source dans le lieu même, qu'elle y vienne d'ailleurs, ou qu'elle soit amassée par la pluie. Quant au sol, il doit être fertile et bien situé. De la salubrité de l'air. III. On juge que l'air d'un endroit est sain, lorsqu'il ne s'y trouve point de vallées profondes, ni de brouillards épais ; lorsqu'à l'aspect des habitants on remarque qu'ils ont le teint frais, la tête dégagée d'humeurs, la vue en bon état, l'ouïe nette, la voix pure et claire. Ces indices annoncent la salubrité de l'air ; les signes contraires sont une preuve que le climat en est pernicieux. Des qualités que doit avoir l'eau. IV. L'eau saine ne se tire ni des lacs, ni des marais, ni des mines. Elle doit être limpide, sans limon, sans odeur ni saveur, tiède en hiver et fraîche en été. Mais, comme des apparences spécieuses en dérobent ordinairement les défauts secrets, vous jugerez aussi de sa nature d'après la santé des habitants. Examinez s'ils ont la gorge libre, la tête saine, l'estomac et la poitrine exempts de maladies habituelles ou accidentelles ; (car les vices des organes supérieurs se communiquent souvent aux régions inférieures, en sorte que, après avoir attaqué la tête, le principe d'une maladie se porte sur la poitrine ou sur l'estomac ; dans ce cas, c'est plutôt à l'air qu'il faut s'en prendre.) Examinez ensuite si leur ventre, leurs entrailles, leurs flancs ou leurs reins n'éprouvent ni douleurs ni gonflement, et s'ils n'ont aucune affection de vessie. Dès que vous aurez constaté ces faits et d'autres semblables chez la plupart des habitants, vous n'aurez rien à craindre ni de l'air ni de l'eau. De la nature du terrain. V. Quant à la nature du sol, attachez-vous à sa fécondité. Point de mottes blanches et nues, ni de sablon ingrat sans parties terreuses ; point d'argile pure ni de gravier sec, point de sable maigre, ni de poussière jaune aussi stérile que le roc ; point de terre salée, amère ou fangeuse; point de tuf sablonneux et aride, ni de vallon sombre et pierreux. Choisissez un terrain meuble et presque noir, qui se revête naturellement de gazon, ou un terrain léger et d'une couleur mixte, qui prendra de la consistance à l'aide d'une terre grasse. Les produits n'en doivent être ni galeux, ni rabougris, ni privés de sucs naturels. Il sera propre aux blés, s'il est couvert d'hièble, de joncs, de roseaux, de gazon, de trèfle vigoureux, de buissons bien fournis et de pruniers sauvages. Cependant attachez-vous moins à la couleur qu'à la douceur et à la fécondité. On reconnaît qu'une terre est grasse, lorsque ses molécules délayées et pétries dans l'eau douce sont adhérentes et glutineuses. On peut encore s'en assurer en creusant un fossé et en le remplissant : si la terre dépasse le niveau du sol, elle est grasse ; si elle s'enfonce, elle est maigre ; si elle reprend son niveau, elle est médiocre. Pour connaître si une terre est douce, détrempez-en une motte de la partie la plus ingrate dans un vase d'argile rempli d'eau, et goûtez-la. Vous la jugerez de même propre à la vigne, si elle est assez légère de corps et de couleur pour se résoudre aisément en poussière ; si les arbustes qu'elle produit sont lisses, polis, élancés, féconds, comme les poiriers sauvages, les prunelliers, les ronces, et d'autres de la même espèce ; s'ils n'ont point de branches tortues, stériles ou desséchées de maigreur. Que votre terrain ne soit pas trop plat ; les eaux y séjourneraient ; escarpé, elles l'effleureraient à peine ; trop bas, elles s'y amasseraient au fond d'un vallon ; trop élevé il serait constamment exposé aux mauvais temps et aux ardeurs du soleil. Préférez un sol qui tienne le juste milieu, une campagne découverte, dont la pente insensible laisse écouler les eaux du ciel ; un coteau dont les flancs soient mollement inclinés ; une vallée peu profonde, où l'air circule librement ; une montagne protégée par la cime d'une autre, et à l'abri des vents importuns, ou qu'au moins cette montagne compense sa hauteur et son âpreté par sa richesse en herbe et en bois. Comme il y a plusieurs espèces de terres, des terres grasses ou maigres, compactes ou légères, sèches ou humides, et, parmi celles-ci, plusieurs terres vicieuses, mais souvent nécessaires à cause de 1a diversité des semences, faites choix, avant tout, ainsi que je l'ai dit plus haut, d'un terrain gras et friable, qui coûte peu de peine et donne beaucoup de fruits. Mettez dans la seconde classe le terrain compacte, qui exige sans doute beaucoup de travail, mais qui répond aux espérances de l'agriculteur. Le pire de tous est le terrain à la fois sec et compact, maigre et froid. Fuyez-le comme s'il était frappé de la peste. Du travail. Maximes agronomiques. VI. Quand vous aurez mûrement examiné ce qui est du ressort de la nature et indépendant des soins de l'homme, occupez-vous de la partie qui est dévolue au travail ; et, dans ce but, il importe essentiellement que vous graviez dans votre mémoire les maximes suivantes qui embrassent tout le système des opérations rustiques. « La présence du propriétaire améliore un champ. « Ne tiens pas trop à la couleur du sol, parce qu'elle n'est pas une preuve sûre de sa bonté. « Ne confie à la terre que les plus belles espèces de grains et d'arbrisseaux déjà éprouvées dans tes domaines ; défie-toi des autres, avant d'en avoir fait l'essai. « Les semences dégénèrent plus vite dans les lieux humides que dans les lieux secs ; on prévient cet inconvénient en choisissant bien sa terre. « Il est indispensable d'avoir à soi des forgerons, des charpentiers et des artisans pour travailler aux futailles et aux cuves, afin que les paysans ne soient pas détournés de leur besogne ordinaire par la nécessité de recourir à la ville. « Dans les pays froids, plante la vigne au midi ; dans les pays chauds, au nord ; dans les pays tempérés, au levant, ou, s'il est nécessaire, au couchant. « On ne peut fixer la mesure du travail dans une si grande diversité de terroirs. La culture habituelle du sol dans telle ou telle province t'apprendra aisément le nombre de jours que demandent les plantations ou les semailles. « Ne touche jamais à rien de ce qui est en fleur. « Il est impossible de bien choisir ce qu'on doit semer, si la personne chargée de ce soin ne le choisit elle-même. « Dans les travaux des champs le service est l'affaire des jeunes gens, le commandement celle des vieillards. « Trois choses sont à considérer dans la taille des vignes : l'espérance du fruit, le bois qui doit remplacer celui qu'on retranche, et l'endroit du cep où l'on veut qu'il repousse. « En taillant la vigne de bonne heure, on aura plus de sarments ; en la taillant plus tard, on aura plus de fruits. « Ainsi que les arbres, les vignes doivent être transplantées d'un méchant terrain sur un sol meilleur. «Taille de près ta vigne, si la vendange a été bonne, et, de moins près, si elle a été médiocre. « Pour greffer, émonder on couper, emploie des outils solides et tranchants. « Achève de soigner ta vigne et tes arbres avant l'épanouissement des bourgeons et des fleurs. « Dans les vignobles, la houe doit compléter l'œuvre de la charrue. « Il ne faut pas épamprer la vigne dans les lieux chauds, secs et bien exposés ; elle demande plutôt à s'y couvrir de feuilles. « Si le vulturne ou quelque souffle ennemi dessèche tes vignes, couvre-les de chaume ou de quelque autre abri. « Une branche d'olivier, rapprochée du tronc quand elle est verte, vigoureuse ou stérile, doit être retranchée comme le fléau de l'arbre entier. « Fuis la stérilité comme la peste. « Dans un terrain façonné, ne mets absolument rien entre les jeunes plants de vigne. « Suivant les Grecs, un terrain peut, de trois en trois ans, tout recevoir, excepté des choux. « Tous les légumes, selon les auteurs grecs, doivent être semés dans une terre sèche ; la fève seule demande de l'humidité. « Affermer sa métairie ou son champ à un maître ou à un cultivateur qui a des propriétés voisines, c'est s'exposer à des pertes ou à des procès. « Le milieu d'un champ court des risques, si l'on n'en cultive pas les extrémités. « Tous les blés semés trois fois dans un sol humide, deviennent une espèce de fleur de froment. « Trois fléaux sont également funestes : la stérilité, la maladie et le voisin. « Couvrir de vignes un terrain stérile, c'est nuire et à son travail et à sa bourse. « Les plaines produisent plus de vin ; les coteaux, un vin de meilleure qualité. « L'aquilon féconde les vignes, l'autan leur donne de la qualité. Il dépend donc de nous d'avoir du vin bon où abondant. « La nécessité ne connaît point de fêtes. « On sème quand la terre est humide ; cependant, après une longue sécheresse, les semailles hersées se conservent plus sûrement dans la terre que dans les greniers. « Les mauvais chemins ne sont pas moins contraires à l'agréable qu'à l'utile. « L'homme qui se charge de la culture d'un champ, s'engage, sans aucun espoir d'acquittement, envers un créancier qui l'accable de redevances. « Quiconque, en labourant, laisse entre des sillons une partie du sol en friche, diminue sa récolte et fait dégénérer la fertilité de sa terre. « Un petit fonds bien cultivé rapporte plus qu'un grand domaine négligé. « Renonce entièrement aux raisins noirs, à moins que tu ne veuilles, comme dans les provinces, en faire du râpé. « De longs échalas secondent le développement de la vigne. « Quand la vigne est jeune et verte, n'y porte pas le tranchant de l'acier. « L'incision d'un sarment doit toujours épargner le bourgeon, de peur que la larme qui en découle ordinairement ne fasse périr le cep. « L'émondeur proportionnera la coupe des sarments à la faiblesse ou à la vigueur des souches. « Une terre profonde, suivant les Grecs, donne aux oliviers une taille extraordinaire et des fruits grêles, aqueux, tardifs, avec un goût de marc d'huile. « L'olivier aime la chaleur et le souffle caressant des doux zéphyrs. « Assouplis par degrés la vigne dont tu veux faire une treille ; qu'elle s'élève de quatre pieds dans les terrains les plus contraires, et de sept dans les plus favorables. « Un jardin exposé à une douce température et arrosé par une source d'eau vive, peut, en quelque sorte, se passer de soins et de culture. « Il faut lier les grappes de raisin quand elles sont vertes ; on ne risque pas alors d'en faire tomber les grains ou de les écraser. « Attache toujours tes vignes dans un endroit différent, de crainte que le frottement continu des liens ne finisse par user le sarment. « Fouir la terre quand les yeux de la vigne sont ouverts, c'est détruire l'espoir d'une belle vendange ; ne la remue donc que lorsqu'ils sont fermés. « Si ta terre doit recevoir du grain, creuse-la de deux pieds pour qu'elle soit fertile ; les arbres et les vignes en exigent deux de plus. « Une jeune vigne croît aisément, quand on lui prodigue des soins assidus ; elle meurt aussi promptement, quand on la néglige. « Avant de te charger de la culture d'une terre, consulte tes moyens, dans la crainte que son étendue ne dépasse ta fortune, et que tu ne sois obligé d'abandonner honteusement une entreprise téméraire. « Les semences ne doivent pas avoir plus d'un an. Trop vieilles, elles pourrissent et ne sortent point de terre. « Le blé des coteaux donne sans doute des grains plus gros, mais en moindre quantité. « Fais toutes tes semailles à la nouvelle lune et dans les jouis tempérés ; car une douce chaleur fait lever les semences, tandis que le froid les tue. « Si tu as un champ couvert d'inutiles forêts, mets en jachères les parties grasses du terrain, et abandonne aux arbres les parties stériles. Les premières répondront à tes vœux par leur fertilité ; les secondes s'engraisseront au moyen du feu. Tu laisseras celles-ci chômer pendant cinq ans, et la portion du sol jadis stérile rivalisera avec celle qui était naturellement féconde. « Les Grecs veulent que l'olive soit plantée et recueillie par des enfants purs et des vierges, sans doute parce que l'olivier est le symbole de la chasteté. « Il est inutile de rien prescrire sur les noms des blés, qui varient suivant les temps et les lieux. II suffit de choisir ceux qui tiennent le premier rang dans le pays qu'on habite, ou d'éprouver ceux qu'on tire d'ailleurs. « Coupe le lupin et la vesce pendant qu'ils sont verts, et promène immédiatement après la charrue sur leurs racines ; elles engraisseront tes champs comme du fumier. Si tu les laisses sécher avant la coupe, elles perdront tout leur suc. « Un sol humide demande plus de fumier qu'un terrain sec. « Hâte-toi de donner à la vigne tous les soins qu'elle exige dans les endroits découverts, chauds, secs, plats et voisins de la mer ; dans les lieux froids, humides, couverts, montagneux, situés au milieu des terres, mets-toi plus tard à la besogne. Ce conseil regarde non seulement les mois et les jours, il s'étend encore aux heures de travail. « Tous les travaux de la campagne peuvent être faits quinze jours avant ou quinze jours après l'époque fixée ; ce n'est ni trop tôt ni trop tard. « Les blés aiment une campagne étendue, découverte, et dont la pente est tournée au levant. « Une terre compacte, argileuse et humide nourrit bien le blé et le froment. « L'orge se plaît dans un terrain meuble et sec ; elle meurt dans un terrain fangeux. « Les semailles trimestrielles conviennent aux lieux froids et couverts de neige, où l'été est humide ; rarement elles prospèrent ailleurs. « L'ensemencement trimestriel réussit mieux dans les climats tempérés, lorsqu'on le fait en automne. « Si tu es réduit à tirer quelque parti d'une terre salée, il faut y faire des plantations ou l'ensemencer à la fin de l'automne, afin que son amertume disparaisse avec les pluies d'hiver. Tu devras y ajouter aussi un peu de terre douce ou de sable de rivière, si tu lui confies des arbrisseaux. « N'établis de pépinière que dans un terrain médiocre ; tu transporteras ensuite tes plants dans un sol plus fertile. « Les pierres qu'on laisse sur la terre sont glacées en hiver et brûlantes en été ; aussi nuisent-elles aux grains, aux arbustes et aux vignes. « La terre qu'on remue autour des arbres doit être retournée sens dessus dessous. « Pour activer la végétation des arbres, on les entoure de couches successives de terre et de fumier ; cette double opération produit un résultat parfait. « Ne mets pas à la tête de ton domaine un de tes esclaves favoris, élevés au milieu des caresses : la confiance qu'inspire une ancienne affection autorise le coupable à compter sur l'impunité." Un choix et de l'exposition du terrain. VII. Lorsque vous voudrez choisir ou acquérir une terre, examinez si la négligence de ceux qui la cultivent n'en a pas altéré la fécondité naturelle, ni fait dégénérer la richesse et la vigueur de ses produits. Quoiqu'on puisse corriger ce défaut par la greffe, il est plus avantageux d'exploiter un sol qui n'a pas souffert, que d'être réduit à attendre les fruits tardifs d'une terre amendée. En semant d'autres blés, il vous sera facile de réparer le vice des précédents. Il n'en est pas de même des vignes. Évitez soigneusement la faute de ceux qui, n'aspirant qu'à la réputation de posséder plus de terrain façonné que les autres, ont couvert le sol de souches stériles ou de mauvais fruits. Acheter une terre plantée de la sorte, ce serait se condamner à d'innombrables travaux pour la rendre fertile. Voici quelle doit être l'exposition du terrain que vous voulez choisir. Dans les climats froids, il regardera le midi ou le levant. Si ces deux points étaient masqués par une montagne, il serait glacé de froid ; au nord, il ne verrait point le soleil ; au couchant, il en jouirait trop tard. Au contraire, dans les climats chauds, préférez le côté du nord, comme le meilleur, le plus agréable et le plus sain. S'il y a une rivière voisine de l'endroit où vous voulez placer vos constructions, examinez-en la nature, parce que souvent il en sort des exhalaisons funestes ; dans ce cas, il faut vous en écarter pour bâtir. Évitez les marais à tout prix, surtout ceux qui sont au midi ou au couchant, et qui se dessèchent en été : ils corrompent l'air et engendrent des animaux nuisibles. Du bâtiment. VIII. Proportionnez vos constructions à la valeur du fonds et à l'état de votre fortune. Quand on bâtit sur une trop vaste échelle, l'entretien coûte souvent plus que l'édifice. Calculez donc les dimensions du bâtiment de manière que, s'il éprouve quelque accident, un ou deux ans au plus du revenu de la terre où il se trouve, suffisent pour le réparer. Le maître-logis occupera un terrain un peu plus élevé et plus sec que les autres parties, afin que les fondations en soient plus solides et la vue plus riante. Élargissez chaque côté de ses fondations d'un demi-pied de plus que le mur qu'elles doivent porter. Si vous rencontrez le roc ou le tuf, vous les creuserez simplement d'un ou de deux pieds. Si le fond est une argile ferme ou compacte, vous leur donnerez en profondeur la cinquième on la sixième partie de l'élévation totale que l'édifice doit avoir. Si le terrain est trop mou, vous les enterrerez davantage, jusqu'à ce que vous découvriez la pure argile qui ne présente aucun vestige de décombres. Si vous ne la trouvez point, vous les creuserez proportionnellement au quart de la hauteur du bâtiment. De plus, ayez soin que votre construction puisse être entourée de jardins, de vergers ou de prairies. La façade doit, dans toute sa longueur, regarder le midi, de sorte qu'en hiver un de ses angles voie le soleil levant, et qu'elle se détourne un peu du couchant. Ainsi, bien éclairé dans la saison des frimas, le bâtiment sera garanti de la chaleur en été. Des appartements d'hiver et d'été, et des planchers. IX. Le bâtiment doit avoir dans de petites dimensions des appartements d'été et des appartements d'hiver. Ceux-ci seront égayés par le soleil durant presque tout le temps qu'il paraîtra sur l'horizon. Ils auront des planchers convenables. Vous ferez d'abord en sorte que la charpente soit de niveau et solide, afin que personne ne l'ébranle en marchant. Ensuite vous prendrez garde de confondre les planches de chêne avec celles d'yeuse, parce que le chêne, quand l'humidité l'a pénétré, se déjette en séchant, et fait fendre les planchers, tandis que l'yeuse ne s'altère jamais. Si cependant vous n'avez que du chêne à votre disposition, vous le scierez en planches très minces, que vous mettrez sur deux rangées, l'une droite et l'autre transversale, en les fixant avec un grand nombre de clous. Les planchers de hêtre ou de chêne appelés cerri ou farni, vous feront un très long usage, pourvu qu'une couche de paille ou de fougère empêche l'humidité de la chaux de pénétrer jusqu'au corps du plancher. Alors vous en établirez une autre composée de deux parties de pierres brisées et d'une partie de chaux. Lorsqu'elle aura six doigts d'épaisseur, et qu'elle sera nivelée, il faudra, pour les appartements d'hiver, la garnir de manière que les valets puissent s'y tenir même pieds nus, sans souffrir du froid. Après y avoir donc étendu du gravois et de la terre cuite, vous battrez bien ensemble du charbon, du sable, de la cendre et de la chaux, et vous en mettrez jusqu'à six pouces d'épaisseur. Lorsque le tout sera nivelé, vous aurez un sol noir qui boira sur-le-champ les liquides tombés des vases. Quant aux appartements d'été, ils doivent regarder le nord-est, et être pavés, soit en terre cuite, comme je l'ai dit ci-dessus, soit en pièces de marbre de forme carrée ou en losanges dont les angles et les côtés, joints ensemble, présentent une surface polie. Si ces matériaux vous manquent, vous couvrirez le sol d'une couche utile de marbre pilé ou d'un enduit de sable et de chaux. De la chaux et du sable. X. De plus, quiconque fait bâtir doit se connaître en chaux et en sable. Il y a trois espèces de sables fossiles, le noir, le blanc et le rouge. Celui-ci est bien supérieur aux deux autres ; le blanc tient le second rang, le noir occupe le troisième. Le sable qui craque entre les mains convient aux ouvrages de maçonnerie. Il est également bon, si, répandu sur une étoffe ou un linge blanc, il ne laisse ni tache ni ordure après qu'on l'en a secoué. Cependant, à défaut de sable fossile, on pourra se servir de celui de rivière ou de mer. Comme le sable de mer se sèche lentement, on ne l'emploiera pas tout de suite, mais on le laissera égoutter quelque temps pour qu'il n'endommage pas la maçonnerie en la surchargeant. Son humidité salée détache aussi les enduits des voûtes. Le sable fossile est bon pour le ciment des murailles et pour les voûtes, à cause de sa prompte dessiccation. Il est encore meilleur, si on le mêle à la chaux dès qu'il sort de terre ; car s'il reste longtemps exposé au soleil, à la gelée ou à la pluie, il ne vaut plus rien. Le sable de rivière convient mieux aux enduits ; néanmoins, si l'on est forcé d'employer du sable de mer, il sera bon de le plonger auparavant dans une mare d'eau douce qui le dépouillera de son sel. Pour faire de la chaux, on cuira des pierres dures et blanches, des pierres de Tibur, des pierres colombines que fournissent les rivières, des pierres rouges, des pierres ponces ou du marbre commun. La chaux faite avec des pierres dures et compactes est propre aux bâtisses ; celle qui provient des pierres molles et spongieuses convient mieux aux enduits. Il faut toujours mettre une partie de chaux sur deux de sable. En mêlant au sable de rivière un tiers de ciment, on donnera aux constructions une admirable solidité. Des murs en briques. XI. Si vous voulez que les murailles du maître-logis soient en briques, ayez soin lorsqu'elles seront achevées, d'élever sur la partie supérieure que dominera la charpente, une maçonnerie en terre cuite d'un pied et demi avec des corniches saillantes, afin que si les tuiles ou les gouttières viennent à se dégrader, la pluie ne s'infiltre pas dans le mur. Ensuite, attendez que vos murailles soient sèches et raboteuses avant de les revêtir d'un crépi ; il ne tiendrait pas, si elles étaient humides et lisses. Vous les enduirez donc jusqu'à trois fois, afin que le dernier crépi n'éprouve aucune altération. Des jours et de la hauteur du bâtiment. XII. Une maison rustique veut, avant tout, être bien éclairée ; ensuite, comme je l'ai dit, les appartements, distribués d'après les saisons, devront correspondre aux points cardinaux, c'est-à-dire celui d'été au nord, celui d'hiver au midi, celui du printemps et d'automne au levant. Pour les salles à manger et les chambres à coucher, il faut avoir soin d'additionner leur largeur et leur longueur, et de prendre la moitié de la somme pour en fixer l'élévation. Des voûtes et des claies de jonc. XIII. Le meilleur moyen pour construire les voûtes dans les bâtiments rustiques, est d'employer les matières que la métairie fournit aisément. On se servira de planches ou de roseaux de la manière suivante : on posera horizontalement, dans le lieu où l'on doit élever la voûte, des solives en bois des Gaules ou de cyprès d'une égale dimension, à un pied et demi les unes des autres ; ensuite, avec des liens de genévrier, d'olivier, de buis ou de cyprès, il faudra les cintrer vers la charpente, et y attacher deux perches en traverse au moyen de cordes de joncs. On étendra par dessous une claie à mailles serrées avec des cannes de marais, ou d'autres plus grosses dont on fait usage après les avoir aplaties. Quand cette claie sera attachée dans toute son étendue aux solives et aux perches, on la couvrira d'abord d'un enduit de pierre-ponce qu'on unira avec la truelle afin de resserrer les cannes; puis on nivellera le tout avec du mortier ; et enfin, en y étendant un mélange de poudre de marbre broyé et de chaux, on polira cet enduit jusqu'à ce qu'on lui ait donné le plus beau lustre. Des ouvrages en stuc. XIV. Souvent aussi on aime les voûtes en stuc. On fait, entrer dans cette composition de la chaux éteinte depuis longtemps. La chaux, pour être bonne, doit pouvoir être taillée, comme le bois, avec une hache. Si le tranchant de l'outil ne rencontre aucun obstacle, si les parties qui s'y attachent sont molles et visqueuses, la chaux convient à ces sortes d'ouvrages. Des crépis. XV. Pour rendre le crépi des murailles solide et brillant, on passera souvent la truelle sur la première couche ; quand cette couche sera sèche, on en mettra une seconde, puis une troisième ; ensuite on les recrépira à la truelle avec de la poudre de marbre qui aura été remuée jusqu'à ce qu'elle ne tienne plus à la gâche. Lorsque cette couche de marbre commencera à sécher, on la recouvrira d'une autre couche de poudre plus fine, afin de conserver au mur sa solidité et son éclat. Il faut éviter de bâtir au fond des vallées. XVI. N'allez pas, à l'exemple d'un grand nombre de gens, pour avoir de l'eau à votre disposition, engloutir votre métairie au fond d'une vallée, et sacrifier la santé de ceux qui l'habitent à un agrément éphémère, surtout si le canton où vous êtes est sujet à des maladies pendant l'été. Manque-t-il de puits oui de fontaines, faites des citernes où vous conduirez l'eau de tous les toits. Voici comment on les construit. Des citernes. XVII. Proportionnez la grandeur des citernes à vos goûts et à vos moyens ; qu'elles soient plus longues que larges, et closes de murs solides. Sauf la place des égouts, raffermissez le sol par une couche épaisse de blocaille, que vous unirez au moyen d'un mortier de terre cuite. Polissez soigneusement ce fond jusqu'à ce qu'il reluise, et, à cet effet, frottez-le sans cesse avec du lard bouilli. Dès que l'humidité aura disparu, pour éviter toute crevasse, vous tapisserez les parois d'une couche pareille ; et quand la citerne sera ferme et sèche depuis longtemps, vous y introduirez l'eau à demeure. Il sera bon de nourrir dans ce réservoir des anguilles et des poissons de rivière, afin que leur mouvement l'anime en lui donnant l'aspect d'une eau courante. Si l'enduit du sol ou des murailles se dégrade en quelque endroit, vous contiendrez avec du malte l'eau qui cherche à s'enfuir. Pour boucher les crevasses et les cavités des citernes, des lacs ou des puits, et arrêter le suintement de l'humidité à travers les pierres, vous pouvez prendre une quantité égale de poix liquide et de graisse connue sous le nom de suif ou de cambouis. Faites-les bouillir ensemble dans une marmite jusqu'à ce qu'ils écument ; ensuite retirez-les du feu. Quand ce mélange sera refroidi, jetez-y quelques pincées de chaux, et brouillez-le bien pour en faire un seul tout. Puis appliquez-le comme du mastic sur les parties dégradées qui livrent passage à l'eau, et faites-le adhérer au moyen d'une forte pression. Il sera bon d'amener l'eau par des tuyaux d'argile, et de tenir les citernes closes ; car l'eau du ciel est la meilleure à boire, et quand vous pourriez employer l'eau courante, si elle n'était point saine, il faudrait la réserver pour les lavoirs et la culture des jardins. De la cave. XVIII. La cave doit regarder le nord, être fraîche, sombre, éloignée des eaux courantes, des citernes, des bains, des fours, des étables, des fumiers et des lieux infects. Elle sera pourvue de tous les vaisseaux nécessaires pour suffire à la vendange. Disposée en forme de basilique, elle aura, entre deux bassins destinés à recevoir le vin, un pressoir élevé sur une estrade à laquelle on arrivera par trois ou quatre marches. Des canaux de maçonnerie ou des tuyaux d'argile partiront de ces bassins, et conduiront le vin, à travers des ouvertures pratiquées au pied des murs, dans des futailles qui y seront adossées. Si l'on a une grande quantité de vin, on mettra les cuves au centre, et, pour qu'elles ne gênent point le passage, on les exhaussera sur de petites bases ou sur des futailles enfoncées dans le sol à une assez grande distance les unes des autres, afin que le garçon de cave puisse, au besoin, en approcher librement. Si, au contraire, on destine un emplacement séparé aux cuves, il sera, comme le pressoir, élevé sur de petites estrades, et consolidé par un enduit de terre cuite, afin que si une cuve vient à fuir sans qu'on s'en aperçoive, le vin ne se perde pas, mais soit reçu dans le bassin de dessous. Du grenier. XIX. Le grenier demande aussi à être exposé au nord. Situé dans la partie supérieure du bâtiment, il doit être froid, sec, aéré, à l'abri de toute humidité, loin du fumier et des étables. Il sera construit assez solidement pour qu'il ne puisse pas se crevasser. Vous couvrirez donc le sol entier de briques de deux pieds ou d'une moindre dimension, posées sur une couche de mortier de terre cuite. Si vous comptez sur une abondante récolte, vous ferez des magasins particuliers pour chaque espèce de grains; si la nature de votre terre promet peu, vous séparerez les grains par des claies, ou vous renfermerez votre mince récolte dans de petits paniers d'osier. Quand vos greniers seront faits, vous enduirez les parois d'un mélange de boue et de marc d'huile ; vous y ajouterez, au lieu de paille, des feuilles d'olivier sauvage aux fruits secs, ou d'olivier franc. Dès que cet enduit sera sec, vous le revêtirez d'une autre couche de marc d'huile, et vous, attendrez qu'elle soit sèche pour serrer votre blé. Cette précaution le garantira des charançons et des autres insectes nuisibles. Quelques-uns, pour conserver le blé, y entremêlent des feuilles de coriandre. Le moyen le meilleur est de le transporter de l'aire dans un lieu voisin pour le rafraîchir pendant quelques jours, et de le renfermer ensuite au grenier. Columelle n'est pas d'avis qu'on évente le blé, parce qu'alors trop d'insectes se glissent dans le tas entier ; au lieu que, si on ne le remue point, ils s'arrêtent à la superficie, et n'y pénètrent pas à plus d'une palme de profondeur, en sorte qu'ils ne gâtent que cette espèce de croûte, et que le reste se conserve intact. Le même auteur assure qu'il ne peut pas s'y engendrer d'animaux nuisibles au delà de cette profondeur. La conyze sèche, étendue sur le blé, d'après les Grecs, en prolonge la durée. Au reste le vent du midi ne doit jamais donner sur les greniers. Du cellier à huile. XX. Le cellier à huile sera exposé au midi et protégé contre le froid, il recevra le jour par des pierres transparentes. Les frimas ne pourront ainsi arrêter aucun travail d'hiver, et la douceur de la température empêchera l'huile de geler quand on la pressera. C'est à l'usage qu'on est redevable de la forme des meules, des roulettes et de l'arbre du pressoir. Les vaisseaux seront toujours propres, afin qu'ils ne gâtent pas la nouvelle huile par quelque odeur de rance. Si vous voulez y mettre plus de soin, vous élèverez, entre des conduits creusés à droite et à gauche, un carrelage sous lequel vous tiendrez un feu allumé dans un fourneau. Vous répandrez ainsi dans le cellier une chaleur dégagée de cette odeur de fumée qui en infectant l'huile, en altérerait, comme il arrive souvent, la couleur et le goût. Des écuries et des étables. XXI. Les écuries et les étables regarderont le midi ; néanmoins elles auront au nord des fenêtres, qu'on fermera en hiver, afin qu'elles n'incommodent pas les animaux, et qu'on laissera ouvertes en été pour donner de la fraîcheur. Elles seront élevées au-dessus du sol, pour être à l'abri de l'humidité qui pourrirait la corne de leurs pieds. Les bœufs se porteront mieux s'ils sont près de l'âtre et voient la lumière du feu. Huit pieds d'espace suffisent à une paire de bœufs lorsqu'ils se tiennent debout, et quinze lorsqu'ils sont couchés. Planchéiez les écuries avec du chêne que vous recouvrirez de litière, les chevaux seront ainsi plus mollement couchés et plus fermement appuyés sur leurs pieds. De la cour. XXII. La cour s'étendra au midi et sera exposée au soleil, afin que, pendant l'hiver, la chaleur pénètre davantage les animaux qui s'y trouvent. Il faudra aussi, pour tempérer l'ardeur de l'été, leur fabriquer avec des fourches, des planches et du feuillage, une galerie couverte de bardeaux ou de tuiles, si vous en avez abondamment, ou de glaïeuls et de genêts, si vous préférez un moyen économique et plus facile. Des volières. XXIII. Établissez les volières au pied des murs de la cour, parce que le fumier des oiseaux est très nécessaire à l'agriculture, excepté celui des oies, qui nuit à toutes les productions de la terre. Quant aux autres oiseaux, on ne peut se dispenser de leur donner un logement. Du colombier. XXIV. Le colombier peut être placé au haut d'une tourelle dans le maître-logis. Les murs en seront blancs et polis, percés, suivant l'usage, aux quatre côtés, de petites ouvertures pour ne laisser entrer et sortir que les pigeons. Leurs nids occuperont l'intérieur. Les pigeons n'auront rien à craindre des fouines, si l'on jette parmi eux des branches d'arbrisseaux raboteuses et dégarnies de feuilles, ou une vieille bottine de genêt dont on chausse les animaux. Ce talisman les préserve de la mort, pourvu qu'il soit apporté mystérieusement par quelqu'un qui ne soit vu de personne. Ils n'abandonneront pas non plus leur asile, si vous suspendez à chaque issue un morceau de courroie, de lien ou de corde qui ait servi à étrangler un homme. Ils y amèneront d'autres pigeons, s'ils sont constamment nourris de cumin, ou si on les frotte avec la sueur des aisselles d'un bouc. Pour qu'ils multiplient, donnez-leur souvent de l'orge grillée, des fèves ou de l'ers. Trois setiers de blé ou de graines par jour suffisent à trente pigeons libres, pourvu qu'en hiver on leur donne de l'ers pour favoriser les pontes. On suspendra en plusieurs endroits du colombier des bouquets de rue pour écarter les bêtes nuisibles. ...

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